Nous avons reçu cet email de Pierre Santschi de l’ACM (Association for computing machinery) qu’il a envoyé à Mmes Corina Casanova (Chancelière fédérale) et Anja Wyden Guelpa (Chancelière de l’État de Genève). Nous avons eu l’aimable autorisation de reproduire cet email qui a aussi été envoyé à des associations, représentants politiques et journalistes.
Note: Une copie pour diffusion éventuelle doit faire l’objet d’une demande motivée préalable auprès de Pierre Santschi (Contacter le PPGE, nous transmettrons)
La liste complète des destinataires est aussi disponible sur demande à Pierre Santschi.
L’article suivant était joint à l’email: http://www.guardian.co.uk/film/2012/feb/02/oscars-vulnerable-cyber-attack-experts-warn
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Courriel ouvert à Mesdames les chancelières fédérale et genevoise
Mesdames les chancelières,
Mesdames et Messieurs,
Chères et chers correspondant/e/s intéressé/e/s au vote électronique,
Chers représentants des media,
L’ACM (Association for computing machinery) est la plus importante association professionnelle mondiale en informatique. Elle fait paraître régulièrement des extraits d’articles traitant de l’informatique sous tous ses aspects.
L’extrait attaché au présent courriel, relatif à l’e-voting (ou vote par Internet ou vote électronique) relève notamment ceci, qui s’applique particulièrement bien aux efforts de promotion de cette technique, efforts imprudents provenant de divers cercles politiques ou administratifs.
« Everybody would like there to be secure Internet voting, but some very smart people have looked at the problem and can’t figure out how to do it, » says Stanford University professor David Dill. Researchers have listed multiple potential vulnerabilities to online voting systems, such as denial-of-service attacks, malware, and penetration of the server’s security wall. »
Et l’article lui-même (lien donné dans l’annexe) est on ne peut plus explicite sur les malheureuses expériences diverses menées jusqu’ici, et sur l’opacité, notamment juridique, que les « concepteurs » mettent sur leurs systèmes d’e-voting.
Cela recouvre aussi en partie ce que relèvent, mais en langage plus diplomatique, les experts de l’OSCE qui ont examiné les récentes élections fédérales. Voir le rapport de l’OSCE sous http://www.osce.org/odihr/87417
Ceci dit, il est inquiétant de constater l’attitude des chancelleries fédérale et genevoise qui parlent de « succès » à propos d’un système dans lequel on ne peut même pas recompter les votes de manière crédible. Un minimum d’objectivité et de transparence démocratique consisterait à prévenir les électeurs de l’incertitude que comportent les systèmes utilisés, ainsi que des déviations possibles incontrôlables qui entachent tout le scrutin en cas de résultat serré, déviations dues aux votes par Internet non recomptables de manière crédible. Le soi-disant « succès » n’est qu’un terme de marketing, incongru de la part d’un organisme officiel quand ce « succès » est entaché de failles graves. C’est comme si une firme pharmaceutique disait qu’un médicament se vend bien en en cachant les effets secondaires. Or, ici, il s’agit de la base même de la démocratie suisse…
Pour illustrer une réalité du récent usage des logiciels actuels suisses de vote électronique, notez le fait suivant: les gouvernements des 4 cantons qui ont osé utiliser ces systèmes en octobre 2011 ne peuvent en aucun cas garantir, pour le Conseil national, que certains viennent-ensuite (vu les très faibles écarts de voix entre eux) sont ceux qui devraient être envoyés au Conseil National en cas de démission ou de départ des actuels élus, à cause des votes parvenus par Internet, et qui ne sont pas recomptables de manière crédible. La seule réfutation qui m’ait été faite par l’un des 4 cantons touchés est parlante: juridiquement, le délai de recours est échu ! (Ce que d’ailleurs je ne conteste pas, mais qui prouve bien que l’incertitude technique est on ne peut plus présente et qu’on la masque par le juridisme)…
En conclusion, je ne peux que souhaiter que vous retiriez le terme de « succès » pour
1) attirer publiquement l’attention sur les risques de l’usage des actuels systèmes de vote électroniques suisses
2) lancer au plus vite la mise au point d’un système de vote électronique transparent et garanti techniquement, juridiquement et politiquement, par exemple par l’usage intégral de l’open source ou de techniques réellement équivalentes, assurant notamment aux citoyens l’accès aux codes source des systèmes utilisés et à la garantie que ceux qui ont été montrés sont bien ceux dont le code objet est utilisé
3) cesser de poursuivre, sans information publique techniquement complète et objective, des expériences dangereuses avec des produits opaques et incontrôlables démocratiquement.
Il en va de la crédibilité des résultats qui sortiront des urnes, et également de la crédibilité de celles et ceux qui promeuvent les systèmes actuels.
Je me permets de vous signaler que les informations ci-dessus (à part les détails concrets relatifs aux élections au CN 2011 – position des viennent-ensuite) sont connues depuis pas mal de temps par la plupart des personnes recevant ce jour une copie du présent « courriel ouvert ».
Je suis bien sûr à disposition pour tout renseignement.
Avec mes salutations très distinguées.
P. Santschi
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Pierre Santschi, Ing.-phys. EPFL, SIA
Ancien député au Grand Conseil vaudois
Ancien directeur du Centre Informatique de l’EPFL
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Nous ne croyons pas ce que nous savons